Libertas

Notre mot français de « liberté » vient du latin libertas, qui désignait à l’origine le fait de ne pas être esclave. Un « homme libre », dans l’antiquité, ça désigne avant tout quelqu’un qui s’appartient en propre. Par extension, ça a désigné les personnes qui possèdent leur propre corps1, et qui disposent de droits. 

La liberté est donc la « situation d’une personne qui n’est pas sous la dépendance de quelqu’un (opposé à esclavage, servitude), ou qui n’est pas enfermée (opposé à captivité) ((Le Robert)) « . C’est aussi dans ce sens que l’on parle de la liberté d’un État : quand on combat pour la « liberté de la patrie », ce qu’on veut, c’est bien que l’État garde, ou retrouve, son indépendance à l’égard d’un autre État. 

On voit là que c’est avant tout un statut juridique, celui d’une indépendance à l’égard d’autrui.

La liberté-indépendance

Par extension, la liberté en est donc venue à signifier l’absence de liens, de chaînes. Quand on parle de liberté dans la vie de tous les jours, on parle du fait de n’être soumis à aucune contrainte pouvant entraver nos désirs : on « fait ce qu’on veut », sans rien ni personne pour nous en empêcher. On prétend faire tout ce qu’on veut sans aucune limite.

Il y a cependant des limites, c’est ce que rappelle le philosophe Emmanuel Kant avec son image de la colombe :

La colombe légère, lorsque, dans son libre vol, elle fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle réussirait bien mieux encore dans le vide.

Ce que nous dit Kant avec cette image, c’est que contrairement à ce que penserait la colombe qui voudrait que l’air disparaisse, et voler dans le vide, la contrainte EST la possibilité. Sans l’air, qu’elle perçoit comme une contrainte, elle ne pourrait simplement pas voler. 

Nous sommes parfois des colombes, voulant par exemple ne plus nous soucier de manger, de nous laver, de dormir… nous oublions alors que ces contraintes sont nécessaires à notre vie, et donc des conditions de possibilité de notre liberté. 

L’anglais « freedom », ou « free », est contrairement au « libertas » latin un mot parent de celui qui désigne l’amitié, « friend ».

Il est donc plus évident dans cette langue d’envisager des relations égalitaires, des attachements libérateurs2. 

La liberté politique

Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. […] La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent

Ce que nous dit Montesquieu, c’est que les lois sont là pour cadrer nos désirs, et nous permettre de faire ce qu’il est bon de vouloir faire, tout en ne nous forçant pas à faire ce qu’il n’est pas bon de vouloir faire (voire même en nous l’interdisant). 

Il s’agit donc ici d’un « Pouvoir d’agir, dans une société organisée, selon sa propre détermination, dans la limite de règles3 « .

On a vu avec l’histoire de ce malheureux Diego que dans certaines sociétés où il y a des lois celles-ci sont particulièrement répressives, elles interdisent de faire beaucoup de choses. Il y a donc des États dans lesquels avoir « le droit de faire tout ce que les lois permettent » c’est pouvoir faire plus de choses que dans d’autres. La liberté politique dont on dispose dans ces États est plus proche de notre liberté-indépendance. 

On peut décliner nos libertés politiques en spécifiant de quel domaine on parle, on obtient alors les différentes libertés politiques courantes : liberté d’opinion, de penser, de voter… La liberté est alors le « Pouvoir que la loi reconnaît aux individus dans un domaine3 « 

La liberté, en philosophie

Le concept de liberté est beaucoup discuté en philosophie, comme la « qualité de ce qui est libre », non seulement dans tous les sens déjà relevés mais en plus dans un sens particulier : celui du caractère indéterminé de la volonté humaine. Et c’est ce qui va nous intéresser pour la suite. 

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Suite du cours
  1. le fameux « habeas corpus », on y reviendra en 6 ou 7 ème []
  2. Je tire ce raisonnement d’Alessandro Pignocchi, Perspectives terrestres, scénario pour une émancipation écologiste, Seuil, avril 2025 []
  3. Le Robert [] []