La controverse de Valladolid

Cadre historique

Les indiens d'Amérique

[…]

De "grandes découvertes"... pour les européens

L’Occident catholique a toujours entretenu des relations avec les territoires qui se trouvent autour de lui, considérant les populations qui l’entouraient comme plus ou moins barbares, plus ou moins sauvages, plus ou moins inférieures.

Mais avec les « Grandes découvertes » commence une vague de colonisations très particulière : plutôt que de nouer des alliances avec les populations locales afin que celles-ci acceptent que les européens installent un « comptoir commercial » dans leurs villes portuaires (comme faisaient les grecs et les romains par exemple), les européens font preuve d’une violence inouïe. Massacres de populations pacifiques, réduction en esclavage des autochtones… les témoins des premiers temps de la colonisation sont éberlués par ce à quoi ils assistent, alors que « nous » rencontrons des humains dont nous ignorions l’existence. 

Car ils est important de situer l’usage des mots, afin d’éviter l’ethnocentrisme (=). Ceux que nous avons baptisés « indiens » alors qu’ils ne vivaient pas en Inde, eux, ne se sont pas découverts au moment où le premier Européen a mis le pied sur leur plage. Ils se connaissaient très bien, s’étaient eux-mêmes baptisés d’un autre nom, différent pour chaque peuple, et vivaient sur un territoire qu’ils considéraient comme le leur. Ce qui n’a pas empêché les européens, avec leurs gros souliers, de se l’approprier et, avec ça, le labeur des autochtones, voire jusqu’à leur vie.   

Qu’est-ce que ça fait, d’être colonisé ?

Pendant la semaine qui vient, pense le monde comme si tu étais un·e habitant·e de ce « nouveau monde » que les européens sont venus « découvrir » : imagine, n’importe où, n’importe quand, que des êtres qui te ressemblent mais s’habillent autrement, parlent une autre langue et croient en d’autres divinités, débarquent à Liège, sans crier « gare ! », en baragouinant dans leur langue des mots que tu ne comprends pas.

Benasayag – l’humanité une

Le philosophe franco-argentin Miguel Benasayag (1953-) nous raconte cet épisode historique : regardez cette vidéo en ouvrant grand vos oreilles pour bien comprendre malgré son accent. Elle commence à la minute 3:23, et l’extrait que vous devez regarder ne va que jusqu’à 5:51 (après il parle d’autre chose).

« Je vais vous raconter comment émerge le concept d’humanité une par rapport à mon pays, l’Amérique Latine. Il s’avère que quand les espagnols sont venus nous découvrir […] il y a eu un père, Bartolomé de las Casas, qui a écrit un bouquin qui s’appelle Chroniques de la destruction des Indes. Et il avait une idée très bizarre ce mec-là, il disait “Les Indiens sont des humains. On ne peut pas faire comme ça”. Et le Vatican, toujours, comme ça, un temps en avance par rapport à l’époque, disait “Ce sont des animaux”. […] Les Indiens n’étaient pas des hommes parce qu’ils n’avaient pas d’âme. […] Il y a une controverse. Une controverse, c’est une joute oratoire dans laquelle celui qui l’emporte a la raison de Dieu. Il y a Sepulveda, pour le côté progressiste du Vatican, qui dit “Les Indiens ne sont pas des humains” et Bartolomé, tout petit, qui arrive et qui dit “Si si, ils ont une âme, ils ont une âme”. Bref. Ils discutent, ils discutent, et Bartolomé l’emporte, mais il l’emporte d’une façon horrible, parce qu’il arrive à dire “Les Indiens ont une âme, sont donc humains, mais à l’humanité non-accomplie”. Donc la naissance théorique de l’humanisme, du socle commun, commence d’emblée déjà avec ceux qui sont plus humains que les autres. Nous sommes tous humains, mais y’en a qui ont l’humanité pas tout à fait accomplie. Quand vous avez l’humanité pas tout à fait accomplie, c’est un peu compliqué parce que on vous l’accomplit, voyez ? Et si quelqu’un vient et vous dit “je viens pour t’accomplir l’humanité”, vous avez intérêt à sortir en courant. »

Une controverse à taille humaine

[…]

Exercice
Qui aurait dit quoi ?