Cartographie(s) – Des mondes à plat

Avant l'informatique, façonner des représentations

Map makers before the invention of AutoCAD or GIS software, 1950s. Credit photo : https://rarehistoricalphotos.com/

Il fut un temps où l’on dessinait les cartes à la main, et où le métier de cartographe était un métier artistique autant que scientifique. De la même façon, dans les années 1950, on fabriquait les mappemondes à la main, dans des ateliers où les gestes des ouvriers ne laissaient rien au hasard. 

 

Il existe encore des artisans, qui fabriquent leurs mappemondes à la main. Mais ce savoir-faire s’est, comme beaucoup, un peu perdu avec la dématérialisation de nos activités.

Aspects intellectuels d'une représentation

Pour décider comment on représente le monde sur une carte, il faut opérer un changement de point de vue : passer d’un paysage perçu depuis un mètre septante au-dessus du sol à une vue du ciel. Abstraire de ce que l’on voit une représentation lointaine. C’est ainsi qu’au cours de l’histoire, les cartes ont été si diverses : elles représentent le monde connu alors, sous un angle qui doit beaucoup à l’imagination de cel·lui qui les dessinait. 

Quelques planisphères (ordre chronologique)

Cette carte du monde date de l’an 43 après J.-C., imprimée à partir d’une carte dessinée par Pomponius Mela (reconstituée en 1898 par Konrad Miller), un savant romain considéré comme le père de la géographie
Carte du monde tel qu'il était vu en 1154
La projection de Mercator en 1569, la première projection d’un globe sphérique sur une carte plate (un planisphère) sur laquelle les marins pouvaient voir les lignes exactes de longitude et de latitude
La carte du monde d’Ortelius (1564), la première réalisée par Abraham Ortelius, le créateur du tout premier atlas moderne, le « Theatrum orbis Terrarum » (1570), qui comportait 53 cartes au total
1630
Carte du monde vu par l’Empire Ottoman en 1803
Un planisfère dessinée au Japon impérial en 1853, centrée sur Tokyo

Aujourd’hui, c’est avec l’aide d’algorithmes que nos scientifiques établissent des projections mathématiques afin de représenter notre planète et même l’univers observable qui l’entoure de la façon la plus réaliste possible

Pourtant, les planisphères que nous utilisons au quotidien sont encore très majoritairement tirés d’une (et d’une seule) projection, vieille de presque 500 ans, celle que le géographe flamand Mercator a établie, et qui donne de la taille des continents une représentation tronquée. 

Mercator : une projection à notre avantage ?

Mercator

Gerardus Mercator, né le 5 mars 1512 à Rupelmonde et mort le 2 décembre 1594 à Duisbourg, est un mathématicien, géographe et cartographe flamand, inventeur de la projection cartographique qui porte son nom.

et sa projection

...donnent l'impression que certains sont plus gros que d'autres.

La projection de Mercator conserve les formes mais pas les tailles. Cette projection a été créée à l’origine pour la navigation car les angles sont conservés ((Source : https://www.ibicity.fr/distorsions-de-cartes/)).

 

En effet, en étirant les territoires qui se trouvent au-delà des 20° au Nord et au Sud de l’Équateur, la projection de Mercator fait paraître bien plus grandes les distances proches des pôles. Ainsi, le Brésil proche de l’équateur est représenté avec peu de déformation mais le Groenland est complètement étiré.

Ou, sur l’exemple qu’est l’image ci-contre, les territoires d’Afrique équatoriale sont représentés sans distorsion, alors que la Russie, qu’on a l’habitude d’admirer pour sa taille impressionnante, étant plus proche du pôle Nord, est agrandie. Ses 6400km de diagonale, bien moindres que le 7200km de large du continent africain, semblent ainsi plus grands qu’eux1

Partant d’une projection de Mercator (en bleu clair), la carte de droite montre (en bleu foncé) la raille réelle que les continents et pays auraient si leurs proportions étaient respectées.

Ci-dessous, l’animation nous montre ce que ça donnerait si on réduisait ainsi les pays à leur véritable taille : 

  1. Vu sur Linkedin le post de Gilles Brassat, formateur à la SNCF sur la déformation des cartes. []