La question qui consiste à se demander : qu’est-ce qui est connaissable et qu’est-ce qui ne l’est pas ? est aussi vieille que la philosophie. En un sens, c’est la philosophie même. De tout temps le scepticisme l’a résolue en disant : Il n’y a rien qui soit vraiment connaissable. À cette universelle négative s’oppose une contradictoire, la particulière affirmative : Quelque chose est connaissable. Il nous faut donc, quand on philosophe, opter entre ces deux alternatives, il faut nier qu’il y ait quelque part du connaissable et être sceptique ou affirmer qu’il y a quelque part quelle que chose de connaissable.
Cette seconde seconde position comprend à son tour deux alternatives : ou l’on soutient que tout est connaissable, et l’on aboutit au dogmatisme le plus effréné, ou l’on dit simplement et à la fois que quelque chose est connaissable et que quelque chose n’est pas connaissable. D’après cette troisième position qui, en-dehors des sceptiques et d’un très petit nombre de dogmatiques […], rallie l’unanimité des philosophes, il y a donc une sphère du connaissable accessible à l’esprit humain et en même temps il y a une sphère de l’inconnaissable inaccessible à ce même esprit. Où l’unanimité cesse et où se font jour les plus graves divergences, c’est quand il s’agit de déterminer la sphère du connaissable et celle de l’inconnaissable.
G. Fonsegrive, L’inconnaissable dans la philosophie moderne, Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, T. 34 (juillet à décembre 1892), pp. 1-17