Lynchage

Kesako ?

Lyncher, c’est exécuter quelqu’un·e, le·a mettre à mort, sans jugement régulier au préalable. C’est faire justice soi-même, au point de condamner à mort sans passer par les voies de la justice prévues par l’État – qui est pourtant supposé avoir le monopole de la violence légitime. 

L’origine historique de la notion de lynchage se situe en Virginie (USA) au XVIIIème siècle. Elle désigne des faits dont les images parlent mieux que des mots :

La petite histoire

Celui qui a donné son nom à la pratique du lynchage, Charles Lynch, n’a pourtant pendu personne. Pour la petite histoire : 

On est en août 1780. Charles Lynch est alors juge de paix en Virginie. Le gouverneur Thomas Jefferson lui demande, dans une lettre de saisir toute personne sur laquelle reposait une culpabilité probable de loyalisme1.

Lynch devait alors juger l’accusé qui, s’il était reconnu coupable, devait être envoyé à la ville de Richmond pour un nouveau procès, où seraient prononcées les peines.

Mais Lynch redoutait que lors du transport jusqu’à Richmond, le convoi puisse être attaqué, ou bien que cela donnât du temps à la fabrication de faux témoignages. Il décida alors de faire exécuter les peines sur place, dans son propre domaine.

Les peines allaient de un à cinq ans de prison, et étaient parfois de la flagellation. Dans un premier temps Thomas Jefferson reprochera à Charles Lynch sa pratique illégale de la justice, mais en 1782, l’Assemblée générale (futur Congrès des États-Unis) annula les charges retenues contre Charles Lynch en faisant valoir que ses décisions étaient justifiées en regard du caractère d’urgence de la situation.

Résultat des courses, ce qu’on a appelé plus tard le « lynching », ou « lynchage » en français, c’est surtout ce mouvement de faire justice avant la justice, et sur place.

 D’ailleurs, on parle de lynchage dans des contextes étrangers au contexte historique premier. Le terme de « lynchage » sert alors à désigner toutes les formes de « justice » expéditive, ou d »exécutions sommaires, de façon indistincte. 

Table des matières

En bref

Quelques chiffres

Selon le Tuskegee Institute , 4 745 personnes auraient été lynchées aux États-Unis entre 1882 et 1964. 3 446 (72,7%) des victimes étaient noires. 73% des lynchages ont eu lieu dans le sud des États-Unis (états anciennement esclavagistes). Entre 1882 et 1903, 125 lynchages noir sur noir ont été enregistrés dans 10 États du sud, tout comme quatre cas de lynchage de Blancs par des Noirs.

Il y a eu 115 cas enregistrés de femmes lynchées entre 1851 et 1946 ; 90 étaient noires, 19 blanches et six hispaniques. Les femmes étaient généralement lynchées en tant qu’associées d’hommes qui étaient lynchés. Sur 97 incidents examinés par l’historien Kerry Segrave, 36 concernaient des femmes lynchées seules.

Dans la culture

La photo du lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith a inspiré la chanson Strange Fruit, composée par Abel Meeropol, publiée sous pseudonyme (Lewis Allan) en 1937, reprise et popularisée par Billie Holliday : 

Plusieurs films évoquent des lynchages, comme : 

Et aujourd'hui ?

Après l’adoption de différentes lois2 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégatives sur l’ensemble des États-Unis, la pratique du lynchage au sens propre devient sporadique((comme le lynchage de Michael Donald en 1981.)), et ces actions désormais considérées comme criminelles sont principalement le fait de l’organisation terroriste du Ku Klux Klan et de divers groupuscules de la mouvance du suprématisme blanc.

  1. les Loyalistes sont les colons américains restés fidèles à la Grande-Bretagne et à la monarchie britanniquependant la guerre d’indépendance américaine, entre 1775 et 1783 []
  2. comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 []