Stéréotypes RACIAUX

Nous allons ici consacrer un peu de temps à Questionner les stéréotypes et préjugés (raciaux) qui orientent nos modes de vie et nos choix de vie !

Table des matières

On pourrait faire une longue liste des préjugés entretenus, au fil du temps, sur les gens en fonction de leur présumée appartenance à telle ou telle « race ». On parlerait aujourd’hui plutôt d’“ethnie”, mais l’idée est-elle tellement différente ? 

Et vous, saurez-vous différencier les préjugés racistes, nationalistes, islamophobes et antisémites, sur base des définitions ci-dessous ?

D'où viennent les stéréotypes raciaux ?

Aussi loin qu’on regarde dans l’histoire, les humains ont attribué aux peuples des caractéristiques, probablement liées aux particularités culturelles. Chez les grecs de l’Antiquité, par exemple, la noirceur de la peau est d’abord associée à la virilité active (puisque les hommes, et notamment les soldats, ont la peau foncée contrairement aux femmes, étant élevées à l’ombre), et  tantôt considérée comme un signe de paresse et à la lâcheté, car similaire à la couleur de peau des Égyptiens et des Étiopiens, à qui on attribue ce défaut1

L'évolutionnisme en anthropologie, un biais ethnocentriste...

Avant le XIXe siècle, dans une lecture religieuse, c’est la Genèse qui détermine l’âge de la Terre, fixé à 6 000 ans. Les avancées en géologie et en paléontologie bouleversent ces certitudes et donnent une profondeur inédite au temps.  Avec la découverte, dans la même strate géologique que des animaux aujourd’hui disparus, d’outils puis d’ossements humains, la question des débuts de l’humanité se superpose à celle de l’âge de la Terre, et les premiers préhistoriens affrontent l’obscurantisme religieux.2« . 

Les interprétations que les premiers préhistoriens, comme Joffroy Saint-Hilaire ou Georges Cuvier au XIXème siècle, donneront de leurs découvertes, seront empreintes d’une pensée qui hiérarchise : 

« On va très vite faire le parallèle avec les hommes « sauvages » [que les premiers anthropologues partent étudier sur le terrain]. À tel point que certains pensent même que ces sauvages actuels sont les descendants directs des hommes de la préhistoire. »((Sophie de Beaune, professeure de préhistoire et de protohistoire à l’Université Jean-Moulin-Lyon 3. Spécialiste de l’évolution de l’outillage, des gestes techniques et des activités humaines, dans l’émission Le Cours de l’Histoire du 28/06/21, intitulée La Préhistoire n’aurait-elle que deux cents ans ?))

Lewis H. Morgan – Ancient Society (1877)

Morgan est l’un des premiers anthropologues. Dans Ancient Society, livre paru en 1877 qu’il sous-titre “Researches in the Line of Human Progress from Savagery, through Barbarism to Civilization”, il propose((Source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lewis_Henry_Morgan#L’%C3%A9volutionnisme_de_L.H._Morgan)) un modèle évolutionniste des sociétés humaines : il postule un mouvement historique qui embrasserait l’humanité tout entière, chaque société passant par différents stades, identiques pour toutes. Ainsi, nous, occidentaux, serions passés par  avant de parvenir à la civilisation. Et les différences qu’on observait entre des groupes humains contemporains furent alors expliquées par des progressions plus ou moins rapides sur une même trajectoire((Source Wikipédia. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volutionnisme_(anthropologie)#Ethnocentrisme_et_finalisme)).

État sauvage
Stade inférieur
Caractérisé par l'apparition de la cueillette (feuilles et racines) et le début du langage articulé, la horde et la promiscuité primitive, et la famille consanguine (« mariages » entre frères et sœurs).
Stade moyen
Caractérisé par le feu et la cuisson, la pêche (dans des embarcations d'écorce) et la filiation par les femmes. La famille est punaluenne (mariage polygame avec les femmes des frères et réciproquement avec les maris des sœurs).
Stade supérieur
Caractérisé par l'invention de l'arc et de la flèche, les ustensiles de bois, et l'utilisation de paniers tressés d'écorce ou de jonc.
Barbarie
Stade inférieur
Caractérisé par l'introduction de la poterie, la domestication des animaux, et les premières cultures de plantes
Stade moyen
Caractérisé par l'élevage d'animaux domestiques, la culture de plantes avec système d'irrigation, l'utilisation de briques séchées au soleil, le travail des métaux (à l'exception du fer).
Stade supérieur
Caractérisé par la fonte du minerai de fer, l'invention de la charrue de fer traînée par des animaux.
Civilisation
Caractérisée par l'invention de l'écriture alphabétique, l'agriculture sur des champs à grande échelle, l'accroissement des moyens d'existence, le défrichage de forêts, l'accroissement rapide de la population mondiale, l'industrie, et l'art élaboré.

“Donc, évidemment, la tendance va être de classer les sociétés non-occidentales dans ces différents stades définis par Morgan((Sophie de Beaune, professeure de préhistoire et de protohistoire à l’Université Jean-Moulin-Lyon 3. Spécialiste de l’évolution de l’outillage, des gestes techniques et des activités humaines. URL : https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/des-nouvelles-de-la-prehistoire-14-la-prehistoire-naurait-elle-que-deux-cents-ans))”

Si le stade inférieur de la sauvagerie n’a plus été observé à l’époque moderne, les premiers ethnographes et anthropologues situent les sociétés “sauvages” ou “premières” qu’ils étudient entre le stade moyen de la sauvagerie et notre civilisation, le stade suprême. Par exemple, les australiens et les polynésiens de l’époque sont considérés, étant donné leur mode de vie, comme “bloqués” au stade moyen de la sauvagerie, ou pas encore parvenus plus loin sur la “ligne du progrès humain”.

Le colonialisme, un contexte favorable

Ce discours scientifique servira à justifier les entreprises de colonisation, dès le XVIe siècle : ces sauvages, ces barbares, nous nous devons de les civiliser ! Les espagnols, qui ont colonisé l’Amérique du Sud depuis que Christophe Colomb en a démontré l’existence en 1492, opposent la « mission civilisatrice » de l’Espagne en Amérique à l’« infériorité naturelle » des Indien.ne.s.

Mais la mission dite civilisatrice de l’homme blanc dans ses colonies partout autour du globe s’est accompagnée d’un mépris des traditions locales, et d’une incorporation forcée au mode de vie occidental. Les prétendus « bienfaits » de la civilisation, souvent inaccessibles aux autochtones, ont surtout contribué à la destruction de leur culture et de leurs traditions((Encyclopédie Universalis. URL : https://www.universalis.fr/media/AN050067/)).

C’est ce qui permet au philosophe franco-argentin Benasayag de dire : 

La vidéo commence à la minute 3:23, et l’extrait que vous devez regarder ne va que jusqu’à 5:51 (après il parle d’autre chose).

« Je vais vous raconter comment émerge le concept d’humanité une par rapport à mon pays, l’Amérique Latine. Il s’avère que quand les espagnols sont venus nous découvrir […] il y a eu un père, Bartolomé de las Casas, qui a écrit un bouquin qui s’appelle Chroniques de la destruction des Indes. Et il avait une idée très bizarre ce mec-là, il disait « Les Indiens sont des humains. On ne peut pas faire comme ça ». Et le Vatican, toujours, comme ça, un temps en avance par rapport à l’époque, disait « Ce sont des animaux ». […] Les Indiens n’étaient pas des hommes parce qu’ils n’avaient pas d’âme. […] Il y a une controverse. Une controverse, c’est une joute oratoire dans laquelle celui qui l’emporte a la raison de Dieu. Il y a Sepulveda, pour le côté progressiste du Vatican, qui dit « Les Indiens ne sont pas des humains » et Bartolomé, tout petit, qui arrive et qui dit « Si si, ils ont une âme, ils ont une âme ». Bref. Ils discutent, ils discutent, et Bartolomé l’emporte, mais il l’emporte d’une façon horrible, parce qu’il arrive à dire « Les Indiens ont une âme, sont donc humains, mais à l’humanité non-accomplie ». Donc la naissance théorique de l’humanisme, du socle commun, commence d’emblée déjà avec ceux qui sont plus humains que les autres. Nous sommes tous humains, mais y’en a qui ont l’humanité pas tout à fait accomplie. Quand vous avez l’humanité pas tout à fait accomplie, c’est un peu compliqué parce que on vous l’accomplit, voyez ? Et si quelqu’un vient et vous dit « je viens pour t’accomplir l’humanité », vous avez intérêt à sortir en courant. 

XP : Qu'est-ce que ça fait, d'être colonisé ?

Pendant la semaine qui vient, pense le monde comme si tu étais un·e habitant·e de ce « nouveau monde » que les européens sont venus « découvrir » : imagine, n’importe où, n’importe quand, que des êtres qui te ressemblent mais s’habillent autrement, parlent une autre langue et croient en d’autres divinités, débarquent à Liège, sans crier « gare ! », en baragouinant dans leur langue des mots que tu ne comprends pas.

Racisme scientifique, une bonne conscience tardive

Le racisme “scientifique” du XVIIIème siècle, appuyé sur l’évolutionnisme biologique de Darwin, a fait beaucoup de mal : il a conforté les gens dans l’idée qu’ils étaient supérieurs (ou inférieurs) les uns aux autres.

Au XVIIIème siècle, l’Europe était prise dans une controverse entourant l'affirmation de Charles Darwin selon laquelle les êtres humains, comme les autres animaux, avaient évolué à partir d'autres espèces (plutôt que d’avoir été créés, ex nihilo, par un Dieu, quel qu’il soit). Beaucoup ont été choqués par ses découvertes et ont refusé de croire en la théorie de l'évolution. C'est ce qui lui valait ce genre de caricatures. 
“Les quatre races d'hommes", illustration issue du "Tour de la France par deux enfants", un manuel scolaire d'apprentissage de la lecture écrit par Augustine Fouillée (née Tuillerie), publié sous le pseudonyme de G. Bruno en 1877. Le livre sera édité plus de 400 fois et utilisé jusque dans les années 1950. Autant dire que les français ont eu l'occasion de s'instruire...

Heureusement, les scientifiques, une fois sortis de leur aveuglement grâce à la prise de conscience progressive des horreurs perpétrées au nom des idéologies ouvertement racistes (esclavage et absence de droits civiques aux USA, shoah en Allemagne nazie, appartheid en Afrique du Sud…), a rectifié le tir. C’est donc la morale qui a dicté aux humains d’abandonner le racisme scientifique, avant que la science ne donne raison à la morale. 

Y a-t-il des races dans l'humanité ?

L’idée qu’il y ait des races humaines diverses repose sur l’observation des caractéristiques physiques visibles : couleur de la peau, forme du crâne, . On sait depuis la moitié du XIXème siècle((Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A8ne#Historique)) que ces caractéristiques sont codées dans nos gènes, notre ADN. S’il y avait des races, les ADN des individus devraient être très différents, comme c’est le cas des races des autres animaux, et des plantes. 

En 2003, les nouvelles techniques de séquençage de l’ADN permettent au projet génome humain, entrepris en 1990, de se réaliser. Il aboutit à la publication de la suite complète des 3 milliards de bases qui composent le génome humain. 

On découvre alors qu’il n’existe pratiquement aucune variation entre l’ADN de deux humains pris au hasard… Ils sont semblables à 99,9%. Même les primates supérieurs, par exemple, présentent quatre à cinq fois plus de différences entre deux individus. Ça s’explique par le fait que ces primates vivent dans des régions données depuis des générations, sans se déplacer : les populations sont séparées depuis des dizaines de milliers d’années. Les humains ont toujours voyagé, ils se sont donc mélangés, et l’espèce est restée très homogène : 

“S’il y avait réellement des races humaines, comme il y a des races de chiens, on s’attendrait à ce que certains variants soient exclusivement chez certaines personnes, dans certaines populations, et d’autres variants, exclusivement chez d’autres personnes. C’est bien ce qu’on trouve d’ailleurs chez les chiens de race. Et ce qu’on trouve dans l’espèce humaine, c’est que pratiquement tous les variants de tous les SNIP [single-nucleotide polymorphism : la variation d'une seule paire de bases du génome NDLR] sont présents dans toutes les populations. Que vous fassiez votre étude sur une tribu du Congo, ou sur un village irlandais, ou sur une région norvégienne, ou sur le Kamtchatka, vous allez retrouver toutes les formes des SNIP possibles.”

On se focalise donc sur les différences biologiques, mais ces différences sont minimes, par rapport à nos 99,9% de ressemblances. 

Cela ne dit encore rien, ceci dit, des différences culturelles, qui subsistent.

Comment se fait-il que ces stéréotypes persistent ?

Certain.e.s disent que, puisqu’on sait maintenant que l’usage du concept de « race » pour désigner des homo sapiens sapiens est invalide scientifiquement, on devrait arrêter de l’utiliser. Au contraire, de nombreux scientifiques issus des sciences humaines et sociales, comme la philosophe Magali Bessonne, défendent l’usage du concept de « race » pour déconstruire les discours racistes, qui continuent de se faire entendre, et combattre les discriminations. 

Pour ell.eux, les races existent : pas biologiquement, mais bien dans l’esprit de celles et ceux qui justifient leurs délits, voire leurs crimes, par l’infériorité raciale de leurs victimes : 

Elle existe comme principe de vision et de division du corps social. C’est une expression de Bourdieu, mais qui est assez utile, parce qu’on garde, avec cette idée de vision, l’idée que la race est historiquement ce qu’on voit, ce qu’on a appris à voir comme saillant dans les différences entre les individus, et c’est un principe de division parce que cette perception racialisante, qui crée la race, a des effets sur les mécanismes de stratification sociale, de production des inégalités.((Dans une conférence tenue à l’Université de Nantes, intitulée « La Fabrique de la ‘race’ et diffusée en octobre 2015 sur le site internet de France Culture))”

 

Exercice : Des "hommes de couleur" ?

Héros de la lutte politique contre l’Appartheid en Afrique du Sud, Nelson Mandela a composé le poème ci-après. Pourras-tu le réécrire ?

  1. cf. dires de Jérôme Wilgaux (minutes 15 à 20) dans https://www.franceculture.fr/conferences/la-fabrique-de-la-race []
  2. URL : https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/des-nouvelles-de-la-prehistoire-14-la-prehistoire-naurait-elle-que-deux-cents-ans []