La philosophie s’est construire contre le règne de l’opinion. Les philosophes de l’Antiquité résistaient à l’idée que la vérité dépende de chacun, et ne soit qu’une question de point de vue.
C’était ce que disaient les sophistes, ces professeurs de bien-parler qui enseignaient leurs élèves à persuader n’importe qui de n’importe quoi, pourvu que ça serve leurs intérêts.
Voici un extrait, dans un dialogue écrit par Platon, de ce qu’aurait pu dire un sophiste célèbre comme l’était Protagoras à cette époque, concernant la vérité.
Platon (-428 – -348)
Protagoras : – Car j’affirme moi, que la vérité est telle que je l’ai définie, que chacun de nous est la mesure de ce qui est et de ce qui n’est pas, mais qu’un homme diffère infiniment d’un autre précisément en ce que les choses sont et paraissent autres à celui-ci et à celui-là. Quant à la sagesse et à l’homme sage, je suis bien loin d’en nier l’existence ; mais par homme sage j’entends précisément celui qui changeant la face des objets, les fait apparaître et être bons, à celui à qui ils apparaissent et étaient mauvais. Et ne va pas de nouveau donner la chasse aux mots de cette définition ; je vais m’expliquer plus clairement pour te faire saisir ma pensée. Rappelle-toi, par exemple, ce qui a été dit précédemment, que les aliments paraissent et sont amers au malade et qu’ils sont et paraissent le contraire à l’homme bien portant. Ni l’un ni l’autre ne doit être représenté comme plus sage – cela n’est même pas possible – et il ne faut pas non plus soutenir que le malade est ignorant, parce qu’il est dans cette opinion, ni que l’homme bien portant est sage, parce qu’il est dans l’opinion contraire. Ce qu’il faut, c’est faire passer le malade à un autre état, meilleur que le sien.
Platon, Théétète, 166d, trad. E. Chambéry, coll. GF, Flammarion, 1967.
Exercice – Opinion ou connaissance ?
- Écris, sur une feuille, cinq énoncés que tu crois vrais, et cinq énoncés que tu crois faux.
- Indique, à côté de chacun, si tu penses que c’est une de tes opinions (O) ou une de tes connaissances (C).
- Cherchons ensemble dans quels domaines nous avons des opinions, et dans quel domaine nous avons des connaissances.
Objectivité vs. subjectivité
Du point de vue de la connaissance, on qualifie d’objectif ce qui existe hors de l’esprit, de la pensée et indépendamment de la connaissance qu’en a le sujet pensant, tandis qu’on qualifie de subjectif ce qui dépend du point de vue du sujet.
Les opinions sont donc des croyances subjectives, liées à la culture, au parcours de vie, à la sensibilité de chacun·e. Les connaissances objectives, elles, sont partageables, elles ne dépendent pas de cell·eux qui les énoncent, peuvent résulter d’une expérience collective et peuvent être contestées, éprouvées, répliquées, expérimentées, par d’autres, partout dans le monde, sans que les résultats soient différents ou ni que leur vérité en soit altérée.
Attention : Ce sens du mot « objectif » ne doit pas être confondu avec la signification triviale de ce terme qui équivaut à « impartialité », comme l’on dit à propos des journalistes, par exemple, « qu’ils doivent savoir rester objectifs ». Ni avec l’idée de « se fixer des objectifs »…